Quel est le point commun entre les demandeurs d’asile syriens, les Roms, les mineurs isolés étrangers et les personnes handicapées en France ? Leurs droits les plus élémentaires ne sont pas garantis sur notre territoire, démontre Nils Muižnieks, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans un rapport publié mardi.
Cette instance scrute les politiques publiques et leurs défaillances, dans les 47 pays membres. Le dernier rapport sur la France datait de 2008. Si les recommandations du commissaire n’ont pas de valeur contraignante, les gouvernements sont un peu obligés d’en tenir compte s’ils veulent éviter une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Comme l’explique un conseiller de Nils Muižnieks, la cour se base souvent sur leurs travaux pour prendre ses décisions. «Il arrive même que le commissaire, en tant qu’autorité impartiale, aille directement devant la Cour pour donner des informations au juge.»
La publication de ce rapport a peu fait réagir en France mardi, éclipsée par l’actualité agitée à l’Assemblée autour de la loi Macron. Outre la montée des actes racistes et homophobes et l’accueil préoccupant des migrants de Calais, le commissariat aux droits de l’homme souligne la situation des personnes handicapées en France, renvoyant le gouvernement face à ses responsabilités.

UNE MAUVAISE CONNAISSANCE DES BESOINS

Cela peut surprendre mais en France, personne n’est en mesure de dire combien de citoyens sont handicapés, quel est leur degré d’incapacité et donc la prise en charge dont ils ont besoin (accompagnement à domicile ou en institution, par exemple). «Il en résulte un certain nombre de situations à la fois inquiétantes et paradoxales : ainsi, des personnes qui auraient pu bénéficier d’un maintien en milieu ordinaire à condition de recevoir l’accompagnement personnalisé nécessaire se trouvent placées en institutions, faute d’une évaluation pertinente de leurs besoins ou de disponibilité des services médicosociaux adaptés», écrit le commissaire dans son rapport. Les citoyens handicapés se retrouvent alors privés de leur liberté de choix, pourtant garantie par l’article 19 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

L’EXIL FORCÉ EN BELGIQUE

«Le commissaire constate que les insuffisances du système de prise en charge des personnes handicapées en France ont notamment pour conséquence le déplacement d’un nombre non négligeable de personnes handicapées vers la Belgique», comme l’ont raconté plusieurs médias, dontLibération. 6 000 Français séjourneraient ainsi en Belgique, selon le rapport, «un chiffre qui demeurerait stable malgré une capacité des établissements français augmentant de 4 000 places par an».

ENCORE TROP D’HOSPITALISATIONS D’OFFICE

Par définition, les hospitalisations forcées portent atteinte aux libertés individuelles, et doivent donc être limitées au maximum. «Malgré les nombreuses remises en cause de leur bien-fondé, ces hospitalisations involontaires restent nombreuses et ont concerné plus de 80 000 personnes en 2011 en France», pointe le commissaire. Il cite une étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE montrant que l’avis des patients concernés par ces placements est «rarement recueilli et insuffisamment pris en compte». Nils Muižnieks «exhorte les autorités à garantir que l’usage de toute forme de coercition à l’égard des personnes handicapées ne porte pas atteinte à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants».

LA SCOLARISATION DES ENFANTS, ENCORE À LA TRAÎNE

Le droit pour tous à l’éducation est écrit partout. Mais reste encore trop virtuel en France. «Il ressort des informations reçues par le commissaire au cours de sa visite que les enfants autistes – dont les autorités prônent pourtant l’insertion en milieu scolaire ordinaire – sont particulièrement concernés par la non-scolarisation en milieu ordinaire.» Environ 20 000 enfants ne seraient ainsi pas scolarisés. Le commissaire «encourage» la France à poursuivre ses efforts. En embauchant suffisamment d’accompagnants pour aider les élèves handicapés en classe. Et en formant mieux les enseignants au handicap.